lundi 22 juin 2015

L'industrie du tabac de nouveau devant un tribunal pour contester la LRCSS

Imperial Tobacco Canada (ITCL), Rothmans, Benson & Hedges (RBH) et JTI-Macdonald (JTIM) plaidaient jeudi dernier devant la Cour d'appel du Québec afin de faire déclarer invalide la Loi sur le recouvrement du coût des soins de santé et dommages-intérêts liés au tabac (LRCSS) de 2009, au motif qu'elle viole des droits protégés par la Charte des droits et libertés de la personne (une loi québécoise dont la mouture originale date de 1975 et qu'il ne faut pas confondre avec la Charte canadienne des droits et libertés, enchâssée dans constitution canadienne de 1982.)

Dans un jugement en première instance rendu en mars 2014, l'honorable Robert Mongeon de la Cour supérieure du Québec avait rejeté les prétentions de l'industrie. Le juge Mongeon a estimé que la Charte québécoise n'était pas davantage violée par la LRCSS que la Charte canadienne par une loi similaire de la Colombie-Britannique que la Cour suprême du Canada a jugé valide en 2011.

L'auteur du blogue n'était pas présent lors de l'audition de jeudi dernier devant la Cour d'appel du Québec à Montréal. Le récit vivant et détaillé qu'en fait la correspondante du Service d'information sur les procès du tabac, Cynthia Callard, pourrait cependant porter les lecteurs de longue date de Lumière sur les procès du tabac à croire que les procureurs des trois grands cigarettiers du marché canadien préfèrent, pour l'essentiel, se répéter que se contredire (voir notre relation du débat du début d'octobre 2013).

L'escalier sans fin
(oeuvre d'Escher)
Lorsqu'on apprend que Me Simon Potter (RBH), lors d'un point de presse, plutôt que Me François Grondin (JTIM), devant le tribunal, a servi la métaphore des « dés pipés » (par le législateur québécois en faveur du Procureur général du Québec dans son action en recouvrement du coût des soins de santé), on peut au moins noté que les avocats ont légèrement changé les partitions. Même sans cela cependant, le concert pourrait avoir davantage plu aux juges Manon Savard, Paul Vézina et Geneviève Marcotte, qu'au juge Robert Mongeon.

Reste qu'un élément nouveau s'est tout de même inséré le 1er juin dernier dans le contexte des plaidoiries de l'industrie: le jugement final qu'a alors rendu l'honorable J. Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec dans l'affaire opposant les trois mêmes cigarettiers à deux groupes de fumeurs et anciens fumeurs atteints de dépendance, ou d'emphysème ou d'un cancer au poumon ou à la gorge.

Tout en reconnaissant que plusieurs fumeurs avaient une part de responsabilité dans le mauvais sort qu'ils subissent, le juge Riordan a estimé que cela ne diminuait en rien les obligations qu'avaient les compagnies de tabac de bien informer le public, et il a imposé à ces dernières un dédommagement moral et des dommages punitifs. Le juge Riordan a aussi voulu voir dans la LRCSS une validation de son interprétation du droit en matière de recours collectifs et il a rejeté l'argument de l'industrie que le procès aurait dû faire défiler des fumeurs et anciens fumeurs à la barre des témoins afin de vérifier leurs fautes.

Une invalidation de la LRCSS par la Cour d'appel du Québec pourrait donc avoir un effet dans l'affaire « privée » dont les péripéties ont été racontées sur ce blogue.