lundi 17 mars 2014

Coût des soins de santé rendus nécessaires par l'usage du tabac: des nouvelles de l'action en recouvrement

(PCr)
En parallèle des recours collectifs de fumeurs et anciens fumeurs qui se disent victimes des pratiques irresponsables des trois principaux cigarettiers du marché canadien et réclament un dédommagement, une action en justice du Procureur général du Québec (PGQ) pour recouvrer auprès des mêmes compagnies de tabac et de leurs maisons-mères actuelles et passées la somme dépensée par le gouvernement du Québec pour soigner les personnes rendues malades par l'usage du tabac, action qui découle d'une loi votée à l'unanimité en 2009 par l'Assemblée nationale, a commencé en juin 2012 et poursuit son petit bonhomme de chemin.

carte d'assurance-maladie
presque typique


Le montant de la réclamation dépasse les 60 milliards $ de 2012, et concerne le coût durant la période allant de 1970 (entrée en vigueur du régime d'assurance-maladie publique) à 2030 (moment probable de la fin des coûts liés au tabagisme, si tout le monde avait arrêté de fumer en juin 2012).

Au palais de justice de Montréal, devant l'honorable Stéphane Sanfaçon de la Cour supérieure du Québec, les cigarettiers canadiens et étrangers ont tenté en novembre et décembre derniers de faire retrancher des 993 paragraphes de la requête introductive d'instance du PGQ certaines allégations, au motif qu'elles manquaient de précision.

Le juge Sanfaçon a constaté que les précisions demandées figuraient très souvent dans des paragraphes précédant ou suivant les paragraphes imprécis. Le juge a rejeté la très écrasante majorité de près de 1200 demandes de précision des cigarettiers, dans une des deux décisions interlocutoires qu'il a rendues le 28 février. (Attention, cette décision et ses pages d'annexes font 388 pages !)

Le magistrat a aussi constaté qu'au moment où il a entendu les requêtes en radiation, les compagnies défenderesses avaient déjà eu plus d'un an pour trouver dans leurs propres dossiers la documentation relative aux pièces que le ministère public a annoncé vouloir verser au dossier de la preuve, et qu'elles ont eu le temps de se préparer à l'usage que la partie demanderesse pouvait faire des documents cités (et échangés), autrement dit du temps pour préparer leur défense. Exiger plus de précision reviendrait à laisser une partie dicter à la partie adverse sa façon de présenter sa preuve, croit l'honorable Sanfaçon.

Le juge a refusé de retrancher du dossier de la preuve que le Procureur général veut présenter plusieurs documents dont la valeur probante ou l'admissibilité reste encore à établir selon lui: des jugements de tribunaux américains et des documents que les cigarettiers prétendent inadmissibles du fait de l'immunité parlementaire accordée aux témoins dans des commissions parlementaires.

Parmi les radiations d'allégations acceptées par le juge (l'autre décision du 28 février), il s'en trouve trois qui concernaient le danger ou les méfaits de l'inhalation de fumée secondaire, enjeu qui ne fait pas l'objet d'une réclamation dans le cadre de l'action en recouvrement du gouvernement. Puisque la partie demanderesse n'a pas l'intention de faire de preuve concernant les coûts de la fumée secondaire, note le juge Sanfaçon, certains segments de trois allégations n'avaient pas leur place dans ce procès.

Les compagnies intimées avaient demandé beaucoup plus de radiations que cela.

Le juge Sanfaçon a cependant estimé que les autres allégations du Procureur général du Québec où il était fait mention des méfaits ou du danger de la fumée secondaire n'étaient là que pour soutenir une des allégations principales de la requête introductive d'instance qui est celle d'une collaboration et d'échanges entre les compagnies de tabac (notamment pour repousser certaines initiatives de protection des non-fumeurs par des transporteurs aériens).

Des défenderesses ont prétendu que les allégations concernant la politique de « rétention » (lire: la destruction) de documents compromettants au sein du groupe British American Tobacco devaient être radiées aux motifs qu'il faut beaucoup de temps pour prouver la fausseté d'une telle allégation et qu'une telle destruction ne pourrait pas avoir eu d'effet sur la santé des Québécois. Le juge Sanfaçon a refusé de soustraire ce sujet des matières que le Procureur général veut amener devant le tribunal pour illustrer le comportement répréhensible de cigarettiers.

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Jusqu'à présent, aucun témoin n'a été entendu dans le procès de l'industrie du tabac présidé par l'honorable Stéphane Sanfaçon.

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Le procès en recours collectifs instruit par le juge J. Brian Riordan et dont vous suivez ici le déroulement se poursuit aujourd'hui à la salle 17.09 du palais de justice de Montréal.