mardi 19 novembre 2013

183e jour - L'ère des cigarettes légères ou comment faire davantage de profits

Pour savoir comment activer les hyperliens vers les pièces au dossier de la preuve, voyez les instructions à la fin du présent message.

(SGa)
L'homme de 67 ans comparu lundi devant le juge Brian Riordan est d'allure très élégante, avec son complet noir assorti de rayures blanches. Robin Robb, d'origine irlandaise, est un as du marketing. Il a été directeur du marketing pour RJR Macdonald de 1978 à 1984 et sa biographie illustre sa grande expertise dans le domaine.

Avant son arrivée au Canada en 1975, M. Robb a travaillé quelques années pour une agence de publicité à Dublin (Irlande). Au début des années 1970, il est devenu directeur du marketing pour Northern Foods, un grand joueur dans l'industrie agroalimentaire du Royaume-Uni. Il travaille à ce moment en Irlande du Nord. En 1975, ça brasse pas mal dans cette province du Royaume Uni. Il décide alors d'immigrer au Canada. À son arrivée, il est embauché par Pepsi Cola où il est responsable du marketing et entre autres de la campagne de marketing intitulé le Défi Pepsi. Il restera trois ans au sein de cette enteprise.

Lorsque M. Robb arrive à RJR Macdonald, en 1978, les ventes de cigarettes connaissent un certain ralentissement. La marque phare de RJR, Export A (80% des ventes de l'entreprise), ne connaît plus autant de succès. Les recherches sur les effets néfastes de l'usage de la cigarette pour la santé commencent sans doute à faire leur effet. RJR Macdonald, comme d'autres cigarettiers, doit s'ajuster à cette nouvelle réalité. Leur réponse: développer de nouveaux produits, plus au goût du jour et attirer de nouveaux clients, en particulier, les jeunes.

Rapidement, à la demande de ses patrons, M. Robb met sur pied un département de recherche en marketing et embauche du personnel. Durant les années qui suivent, l'entreprise mettra en marché une gamme de cigarettes légères Export A light et les cigarettes Vantage au goût « savoureux » et moins fortes. Les cigarettes légères, à cette époque, connaissent un grand succès.


Robin Robb, un témoin de faits important?

Mais on peut se demander pourquoi la partie défenderesse invite-t-elle M. Robb à comparaître alors qu'il n'a été responsable du marketing que durant six ans ?

Une hypothèse vient à l'esprit de l'auteur de ce blogue : Guy Pratte, le procureur de RJR Macdonald, cherche à démontrer au juge que l'entreprise avait à cœur la santé des fumeurs en adaptant ses produits en y réduisant le taux de goudron. Car lors de la sortie de ses cigarettes, dans le milieu des années 1970, les fumeurs ont pu penser (aidé en cela par la publicité des cigarettiers) que la consommation de ses produits représentait un risque moindre pour leur santé.

Or, RJR Macdonald savait sans doute que cela n'était que de la poudre aux yeux. D'ailleurs, lors de la 182e journée d'audience, le chimiste Jeffery Gentry l'a clairement affirmé. La compagnie ne met pas en marché des produits moins risqués, a-t-il dit, (en parlant des cigarettes légères) mais des produits moins risqués « que ceux des années 50 ». Bref, pas moins risqués « tout court ». La recherche sur les risques pour la santé associés à ce type de cigarettes lui a ensuite donné raison.

La présentation de nombreux documents lors de l'audience démontre aussi que la mise en marché de cigarettes légères a été un bon coup de marketing pour RJR et qu'elle a relancé en partie ses ventes de cigarettes. Ainsi, de 1976 à 1980, les cigarettes légères connaissait une hausse importante de leurs ventes, tel que le démontre un document de l'entreprise datant de 1981. La part de marché des Player's Light, mise en marché par le concurrent Imperial Tobacco,  passait de 1,1 à 8,7% (ce qui en faisait la troisième marque la plus populaire) alors que celle d'Export A Light passait de 0,4 à 2% et celles de Vantage de 0,4 à 1% Pendant ce temps, la marque Export A déclinait. Sa part de marché chutait de 15,5 % en 1976 à 11,2% en 1980.


Accroître ses parts de marché, un enjeu important

Dans un autre document présenté lors de l'audition, RJR Macdonald ne s'en cache pas: elle souhaitait, à cette époque, passer du troisième cigarettier en importance au Canada au deuxième. Pour se faire, la recherche en marketing lui en a sûrement été bien utile. Une des choses qui l'intéressait était d'inciter les jeunes à commencer à fumer. (C'était à une époque antérieure à la mise en marché, par d'autres compagnies que celles aujourd'hui en procès, des cigarillos à saveur, très populaires auprès des jeunes actuellement)

Ainsi, la commercialisation des cigarettes légères était clairement destinée à attirer les jeunes de 18 à 24 ans. Dans un document produit par RJR, datant de 1982, on confirme cet attrait des jeunes pour les cigarettes légères telles qu'Export A Light et Vantage. On y cherche même à accroître cet intérêt.

Se faisait-il, à cette époque, de la recherche sur les jeunes de moins de 18 ans qui est une clientèle potentielle de nouveaux fumeurs? La réponse est non, selon M. Robb. Bien qu'il n'y ait pas eu de recherche, selon le témoin, on s'intéressait tout de même à la chose. « Selon toute logique, nous nous disions que cette clientèle n'atteignait pas l'âge de 18 ans sans que plusieurs d'entre eux n'aient démontré un intérêt pour la cigarette ». (traduction libre). On peut penser aussi qu'il aurait été très politiquement incorrect pour M. Robb de dire que RJR-Macdonald étudiait cette clientèle.

Toujours dans le souci d'accroître les parts de marché de RJR (ou d'en éviter une érosion plus grande), le repositionnement de la gamme des cigarettes Export A a fait aussi partie du travail de M. Robb. Avec ses cigarettes, on a cherché à cibler davantage les hommes de 18 à 34 ans, cols bleus, sportifs et travailleurs. Les publicités présentées par maître Pratte ont bien illustré ce repositionnement.


Le marketing des cigarettes Vantage

En après-midi, l'avocat Guy Pratte s'est intéressé au marketing entourant les cigarettes Vantage. On y a vu plusieurs publicités sur ces cigarettes qui cherchaient clairement à présenter ce produit différemment. On misait sur sa saveur riche en tabac et son goût moins accentué. On tentait aussi d'y intéresser une clientèle jeune. Or, selon les statistiques présentées, ce produit ne semble pas avoir réussi à se démarquer au Québec.


L'interrogatoire de Robin Robb se poursuit aujourd'hui (mardi).


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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès en recours collectifs contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


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