mardi 28 mai 2013

148e jour - Un troisième témoin-expert pour la défense des cigarettiers, le politologue Raymond Duch

Dans le champ des sciences sociales, il n'y a pas que chez les économistes qu'on sache compter et composer avec les corrélations, le calcul des probabilités, les marges d'erreur, les facteurs qui mènent à une sous-estimation ou à une surestimation de différents phénomènes, etc.  Les politologues ont fait beaucoup de chemin depuis Machiavel.

Cela fait qu'au procès en recours collectif contre les trois principaux cigarettiers du marché canadien, le tribunal de Brian Riordan entend cette semaine un deuxième docteur en science politique.

Chronologiquement, le premier était Christian Bourque, qui est vice-président exécutif de Léger Marketing et dont l'expertise avait été sollicitée par les demandeurs au procès. L'expert québécois est comparu en janvier et en mars de cette année, et a analysé les sondages que l'industrie du tabac a fait faire, durant la période 1950-1998, sur les connaissances et croyances de la population canadienne et en particulier québécoise concernant les méfaits sanitaires du tabagisme. (rapport de juillet 2011, pièce 1380 , et rapport complémentaire de 2013, pièce 1380.2 )

Raymond Duch
Le nouveau venu cette semaine à la barre des témoins s'appelle Raymond Duch et a été appelé en renfort par la défense des cigarettiers JTI-Macdonald et Rothmans, Benson & Hedges. Depuis 2006, M. Duch est professeur de science politique quantitative à l'Université d'Oxford, au cœur de l'Angleterre; il a étudié et enseigné dans plusieurs universités américaines de 1975 à 2006, mais il est originaire du Manitoba, peut facilement converser en français, et était sur place et tout oreilles au palais de justice de Montréal quand M. Bourque a témoigné. Le témoignage oral et le rapport d'expertise de M. Duch sont néanmoins en anglais. Son nom a été prononcé « dotche » par tout le monde.

C'est l'avocat de JTI-Macdonald Doug Mitchell qui a interrogé lundi l'universitaire et a fait verser au dossier de la preuve en défense son Report on Public Attitudes Associated with Smoking: Quebec and Canada, (pièce 40062), daté d'août 2011.

Le professeur Duch s'est concentré sur les sondages que des gouvernements au Canada ont fait réaliser au fil de la deuxième moitié du vingtième siècle et il a exclu de son analyse ceux de l'industrie. Son rapport d'expertise de 180 pages aérées contient 57 tableaux et 18 diagrammes.

Après deux premiers experts mandatés par l'industrie et que la défense des cigarettiers a fait témoigner en détail de leur rapport, au risque d'ennuyer le juge Riordan, qui sait très bien lire et l'a amplement montré, Me Mitchell a pour sa part compris qu'il fallait utiliser la même méthode que Me Johnston des recours collectifs avait eu avec l'historien Robert Proctor: profiter de la présence de son témoin-expert pour parler des faits déjà versés en preuve.

Une bonne partie de l'après-midi de lundi a donc servi à critiquer le rapport Bourque, sinon et surtout ses sources, les sondages des compagnies. M. Bourque, dont l'entreprise de sondages a un bureau à un coin de rues du palais de justice de Montréal, était venu s'asseoir dans les bancs du public et écouter tranquillement.

Les avocats des recours collectifs ont eux aussi été attentifs et n'ont soulevé aucune objection, ni pour la qualification du témoin comme expert, ni aux questions de Me Mitchell. On pourrait dire qu'ils ont été plus silencieux que jamais, sans pour autant paraître le moindrement troublés.

Le juge Riordan a demandé des éclaircissements, et ses nombreuses petites interventions révèlent que de témoignage en témoignage, le magistrat est de plus en plus à l'aise avec les méthodes quantitatives et les nuances méthodologiques de toutes sortes.

C'est ainsi que le professeur Duch a reproché aux sondages de l'industrie de n'étudier généralement que les fumeurs de plus de cinq cigarettes par jour. Le juge lui a demandé si c'était une forte proportion des fumeurs dont la consommation se situait à ce niveau.


Complément de jugement

La journée de lundi s'était ouverte sur une déclaration que le juge Brian Riordan a lue et qui se voulait une réponse aux complaintes des avocats des cigarettiers, Suzanne Côté, Simon Potter et surtout Guy Pratte exprimées après son ordonnance du 15 mai dernier.  Brian Riordan avait alors décidé de ramener de 304 à 175 jours le temps qu'il veut consacrer à l'audition de la preuve en défense des cigarettiers.

En substance, son intervention de lundi dit: je ne vous blâme pas d'avoir tenté votre chance avec votre stratégie des 304 jours, je n'ai rien fait qui puisse vous faire craindre que j'ai conclu à la culpabilité de vos clientes, mais essayez-donc maintenant de suivre mes suggestions et de faire preuve d'imagination, et vous allez voir que le procès va marcher.

La défense veut faire comparaître un certain nombre de personnes qui se disent victimes des pratiques de l'industrie du tabac et sont inscrites aux recours collectifs québécois. Le juge continue de penser qu'il n'y a pas de besoin de consacrer une journée d'audition à chaque membre des recours collectifs invité à témoigner.


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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois principaux cigarettiers canadiens, IL FAUT commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm


2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information
3) puis revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens au besoin,
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