jeudi 1 novembre 2012

79e jour - 31 octobre - La notion d'acceptabilité sociale du tabac à la fin des années 1970

Pour savoir comment activer les hyperliens, voyez les instructions à la fin du présent message.

Quand il est entré chez RJR-Macdonald à Montréal, en octobre 1977, Guy-Paul Massicotte s'est vu confier entre autres comme rôle de surveiller l'activité réglementaire des pouvoirs publics.

Cela a paru naturel à celui qui fut l'avocat général de la compagnie et un membre du conseil d'administration jusqu'en octobre 1980. M. Massicotte a aussi participé à certains comités du Conseil canadien des fabricants des produits du tabac (CTMC).

(Me Massicotte a déclaré qu'il n'a plus eu d'activités professionnelles en rapport avec l'industrie du tabac après 1980. Il a notamment fait partie de la haute direction d'Ivaco, qui possède une aciérie dans l'Outaouais ontarien et son siège social à Montréal.)

Guy-Paul Massicotte était mercredi le 29e témoin au procès des principaux cigarettiers canadiens devant la Cour supérieure du Québec (et la quatrième personne dont l'interrogatoire s'est déroulé en français).


Changement de climat au Canada

À la fin des années 1970 et au début des années 1980, des municipalités canadiennes, telle que la cité d'Ottawa dès novembre 1976, ont commencé d'adopter des règlements pour interdire de fumer dans différents édifices publics. Au Québec, la municipalité d'Aylmer, en banlieue d'Ottawa, a adopté un règlement de ce genre en août 1978.

Et puis, à l'hiver 1978-1979, la menace s'est aggravée quand l'industrie a appris qu'un groupe de travail au ministère des Affaires sociales (MAS) du gouvernement du Québec s'occupait de la préparation d'un possible projet de loi touchant vraisemblablement la protection des non-fumeurs.

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Dans son édition consacrée au 43e jour du procès, ce blogue a fait état d'une rencontre de Michel Descôteaux, alors le très actif relationniste en chef d'Imperial Tobacco (ITCL), avec des fonctionnaires du MAS, en février 1981.

Il semble toutefois que ce n'était pas les premiers soucis en provenance de Québec.

Le 17 janvier 1979, un certain Raymond Bélanger, dont Guy-Paul Massicotte ne se souvenait plus lors de l'interrogatoire d'hier, a prévenu Norm J. Macdonald du CTMC du lancement éminent d'une campagne de messages télévisés par le MAS. (pièce 963)  Il s'agissait du volet télévisé de la campagne Faut se tenir en santé (voir le vidéo-clip), amorcée l'année d'avant avec du matériel de communication imprimé.

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Dans un mémo du 25 janvier 1979 à son patron à Toronto (le service juridique de RJR-Macdonald était situé à Montréal), Guy-Paul Massicotte mentionnait avoir connaissance d'une intention du ministre des Affaires sociales du Québec, Denis Lazure, d'interdire de fumer dans les lieux publics. (Me Massicotte écrivait : Quebec Social Affairs Minister, Mr Lazure is also reported to have mentioned Government plan for a Province-wide ban on smoking in public places.) (pièce 964)

(Hélas, il n'est pas possible d'accéder en ligne au Journal des débats de l'Assemblée nationale de la 31e législature (1976-81), afin de savoir si le Dr Lazure avait annoncé cette intention lors de travaux parlementaires, ou ailleurs.)

Le 26 janvier 1979, Michel Descôteaux d'ITCL et Guy-Paul Massicotte de RJR-Macdonald ont rencontré trois fonctionnaires du groupe de travail du MAS. Dans leur relation (rédigée par Descôteaux) de l'événement au comité des communications du CTMC (pièce 964A), Descôteaux et Massicotte concluent qu'une menace de législation est plus à craindre de la part du ministère de l'Environnement que du MAS.

En juin 1980, dans un mémorandum de Guy-Paul Massicotte à son patron et à quelques collègues (pièce 967), on trouve une liste des initiatives des pouvoirs publics au Canada pour bannir en certains endroits l'usage du tabac ou la publicité du tabac, le tout avec une indication des mesures que l'industrie a parfois prises pour contrer les initiatives, généralement en vain.

Dans un mémorandum envoyé en juillet 1980 aux membres du comité des affaires publiques du CTMC (pièce 967B), on trouve une liste mise à jour.


Défendre l'acceptabilité sociale du tabac

L'interrogatoire de mercredi a permis de prendre conscience de l'inquiétude qu'avaient les multinationales du tabac du déclin de l'acceptabilité sociale du tabac que révélait la multiplication des initiatives législatives et réglementaires dans le monde.

En 1977, sept grandes entreprises de l'industrie, parmi lesquelles British American Tobacco, R. J. Reynolds, Rothmans et Philip Morris, qui contrôlaient les quatres compagnies canadiennes de l'époque, avaient formé l'ICOSI, pour International Committee On Smoking Issues. (issues signifie questions ou sujets). Le président de l'ICOSI était Denis Durden, un vice-président de RJR Industries, l'empire financier dont Macdonald au Canada faisait partie.

Dans une vaste revue de la situation dans différents pays du monde diffusée dans le réseau ICOSI en novembre 1977 (pièce 968C), le Canada apparaissait encore comme un pays où les pressions pour réglementer le tabagisme ou le commerce du tabac étaient moins fortes qu'en Suède, au Royaume-Uni ou aux États-Unis.

À travers le réseau de l'ICOSI, Guy-Paul Massicotte a reçu de la documentation sur la notion d'acceptabilité sociale, et a aussi participé à des sessions d'échanges et de formation en Caroline du Nord et en Suisse.

Le dossier de la preuve au procès devant le juge Brian Riordan contient désormais une dizaine de pièces se rapportant à l'ICOSI (Il suffit de taper 968, sans lettre ou autre symbole, dans le moteur de recherche, et celui-ci offre toute la liste.)

Le plan d'action pour 1980 du comité des affaires publiques du CTMC, comité où s'activait Me Massicotte de RJR-Mac, contient le constat de l'abandon du projet du MAS de 1978 dont nous parlions au début du présent texte, de même qu'une liste d'actions à mener qui témoigne d'une vision d'ensemble (pièce 966) que les pouvoirs publics était sans doute loin d'avoir à la même époque, en matière de tabac.

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La prochaine édition de ce blogue parlera de la fin du témoignage de Guy-Paul Massicotte aujourd'hui.

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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès contre les trois grands cigarettiers, il faut commencer par

1) aller sur le site des avocats des recours collectifs https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information, puis
2) revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens,

ou utiliser le moteur de recherche sur place, lequel permet d'entrer un mot-clef ou un nombre-clef et d'aboutir à un document ou à une sélection de documents.