jeudi 5 mai 2016

La LRCSS respecte les droits des cigarettiers et la Cour suprême du Canada ne veut plus en entendre parler

La Loi sur le recouvrement du coût des soins de santé et dommages-intérêts liés au tabac (LRCSS), adoptée par le Parlement du Québec en juin 2009, ne viole pas de droits contenus dans la Charte des droits et libertés de la personne, ce qu'avaient déjà statué la Cour supérieure du Québec et la Cour d'appel du Québec, ni de droits contenus dans la Charte canadienne des droits et libertés. La Cour suprême du Canada refuse d'entendre un appel sur la question

Les juges Russell Brown, Thomas Albert Cromwell et Richard Wagner du plus haut tribunal de la fédération canadienne ne donnent pas de motif de la décision d'aujourd'hui mais celle-ci n'est pas étonnante, rétrospectivement. Le cigarettier JTI-Macdonald, qui voulait faire appel de l'arrêt du plus haut tribunal du Québec, devra assumer les frais juridiques d'avoir dérangé les substituts de la Procureure générale du Québec (l'autre partie) et la Cour suprême du Canada, avec une demande qui, en fin de compte, était mal fondée.

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Dès l'été 2009, quand les compagnies Imperial Tobacco Canada, Rothmans, Benson & Hedges et JTI-Macdonald avaient entamé la contestation en justice de la LRCSS, l'affaire dégageait un parfum pourtant reconnaissable de chose jugée, ou de res judicata, pour le dire à la façon des juristes.

En septembre 2005, la Cour suprême du Canada s'était prononcée affirmativement sur la validité constitutionnelle de la loi de la province de Colombie-Britannique qui modifie les règles de la preuve dans une action en recouvrement du coût des soins de santé contre des cigarettiers et qui autorise ce genre d'action en justice par le gouvernement de cette province. Les Neuf sages d'Ottawa avait dit à l'unanimité que la loi britanno-colombienne ne viole pas de droits contenus dans la Charte canadienne des droits et libertés qui figure en préambule de la loi constitutionnelle canadienne. Parmi ces droits se trouvent le droit à un procès équitable et le droit de jouir de sa propriété. Or, la LRCSS du Québec est un calque de la loi de la Colombie-Britannique, et les procureurs du ministère québécois de la Justice n'ont pas manqué de montrer que ces droits fondamentaux garantis par la Charte des droits et libertés de la personne, une loi provinciale québécoise, ne sont pas différents de ceux garantis par la constitution canadienne. Et ils ont gagné.

Pour contrer la manœuvre dilatoire de l'industrie de l'été 2009, le ministère public avait d'abord tenté de faire déclarer irrecevable la requête des compagnies, mais le juge Paul Chaput de la Cour supérieure du Québec avait refusé de tuer l'affaire dans l’œuf (jugement du 2 novembre 2010).

Puis plaidant dans le cadre de la procédure normale avec substantiellement les mêmes arguments de fond, les procureurs du gouvernement du Québec ont convaincu le juge Robert Mongeon de la Cour supérieure du Québec (jugement du 5 mars 2014) puis les juges Geneviève Marcotte, Paul Vézina et Manon Savard de la Cour d'appel du Québec (arrêt du 28 septembre 2015).

Avec le point final mis aujourd'hui par la Cour suprême du Canada, deux affaires pendantes devant la justice québécoise voient maintenant levée une hypothèque qui pesait sur elles:

  • l'action en recouvrement du coût des soins de santé lancée par le gouvernement du Québec le 8 juin 2012, qui va pouvoir continuer son bonhomme de chemin devant le juge Stéphane Sanfaçon de la Cour supérieure du Québec;
  • et l'action en recours collectif des fumeurs victimes des tromperies de l'industrie du tabac, affaire qui a été amplement relatée sur ce blogue. Rappelons que dans son jugement final relatif à la cause des fumeurs, jugement de juin 2015 actuellement porté en appel, l'honorable J. Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec a supposé, comme il était obligé de le faire, que la LRCSS de 2009 s'appliquait. Or la LCRSS contient, à l'article 27, une disposition qui permet de chercher la réparation d'un préjudice lié au tabac même au-delà du délai ordinaire qui prévaut dans d'autres causes civiles.
27. Aucune action, y compris un recours collectif, prise pour le recouvrement du coût de soins de santé liés au tabac ou de dommages-intérêts pour la réparation d’un préjudice lié au tabac ne peut, si elle est en cours le 19 juin 2009 ou intentée dans les trois ans qui suivent cette date, être rejetée pour le motif que le droit de recouvrement est prescrit.