jeudi 5 décembre 2013

190e jour - Un témoin non désiré: le Dr David M. Burns

(SGa)

Jeudi, fait plutôt rare ces temps-ci, il n'y avait personne à la barre des témoins. Cependant, une importante joute oratoire s'est tenue entre les avocats de la partie défenderesse et ceux de la partie demanderesse. L'enjeu? les avocats des cigarettiers souhaitaient empêcher les avocats du recours collectif de faire comparaître devant le juge Brian Riordan de la Cour supérieure du Québec le principal auteur de la monographie 13, le Dr David Burns.

La monographie 13 est un document publié en 2001, par le US Department of Heath and Human Services. Il traite des Risques associés à l'usage de cigarettes avec une basse teneur en goudron et en nicotine telle que mesurée par des machines à fumer (traduction libre du titre du document). Le volumineux document de 251 pages en vient à la conclusion que la mise en marché des cigarettes légères (ex. Player's Light), contrairement aux prétentions des cigarettiers à l'époque, n'a eu aucun bénéfice pour la santé des fumeurs. Il a été rédigé sous la direction de David M. Burns, médecin et professeur à l'École de médecine de l'Université de Californie à San Diego.

Durant une bonne partie de la matinée, le juge Riordan a donc entendu les avocats des trois principaux cigarettiers canadiens visés par le recours collectif (Rothmans, Benson & Hedges, Imperial Tobacco Canada et JTI-Macdonald), Me Simon Potter, Me Suzanne Côté et Me François Grondin développer des arguments visant à empêcher les procureurs du recours collectif de faire venir à la barre M. Burns. Les arguments étaient plutôt techniques ou procéduraux et la plupart des communs mortels qui auraient assisté à la séance s'y seraient perdus. Vers la fin de la matinée, les avocats du recours collectif, Me Boivin et Me Lespérance ont contre-argumenté afin de défendre la nécessité, selon eux, d'accueillir M. Burns comme témoin.


L'enjeu: rétablir la crédibilité de la monographie 13

À ce stade-ci, une mise en contexte est nécessaire pour s'y retrouver. Lors des 168e, 169e et 170e journées d'audience, le témoin-expert Michael Dixon comparaissait. Invité par les avocats de la partie défenderesse, M. Dixon est un physiologiste qui a été à l'emploi durant un quart de siècle pour la British American Tobacco et de Rothmans et qui a aussi agi comme consultant pour les cigarettiers. Lors de sa présence à la cour, il s'est employé à détruire la validité de l'étude produite sous la direction de David Burns.

Selon M. Dixon, puisque les adeptes des cigarettes à basse teneur en goudron et en nicotine absorbent une dose réduite de matières toxiques, ils réduisent ainsi leur risque d'être malades. Pour soutenir sa thèse, il s'est référé à plusieurs études ou articles dont la majorité ont été financées par les cigarettiers. Cependant, ses opinions vont à l'encontre du consensus scientifique (confirmant l'absence d'effet positif détectable des cigarettes à faible teneur en goudron) qui s'est établi dans le monde à la suite de la publication de la monographie 13.

Enfin, durant ces trois journées d'audience, M. Dixon a aussi défendu la position selon laquelle les entreprises canadiennes de tabac étaient de bonne foi en offrant des produits à teneur réduite en goudron qu'ils croyaient moins dommageables pour la santé.


Un témoin invité trop tard

Devant une telle oeuvre de destruction de la thèse énoncée dans la monographie 13, les avocats de la partie défenderesse ont cru nécessaire d'inviter David Burns afin qu'il vienne défendre son étude. Or, les trois avocats de la défense ont soutenu:  soit que ce témoin arrivait trop tard dans le procès (les avocats du recours collectif ont commis une faute en n'appelant pas à la barre ce témoins plus tôt, ont-ils dit), soit qu'il alourdirait les procédures ou que son témoignage représentera peu d'intérêt pour le procès.

Le juge Riordan, après avoir entendu les arguments des avocats des deux parties, a décidé de suspendre la requête pour le moment. Il a toutefois proposé un compromis qui a semblé satisfaire les deux parties. Il s'est montré favorable à ce que le Dr Burns produise un rapport pour répliquer uniquement aux arguments énoncés par M. Dixon lors de sa comparution en septembre dernier. Dans le même temps, il permettra aux cigarettiers de convoquer un témoin pour répondre aux arguments qui seront invoqués par David Burns.


Une chronologie incomplète

Vers la fin de l'audience, les avocats de la partie défenderesse ont présenté une chronologie des événements qui ont marqué l'histoire récente du tabac et de la cigarette. En une page, sur les écrans de la salle d'audience, on a pu voir, sous une forme schématisée, les grands événements survenus depuis les années 1950. Cette chronologie a toutefois été jugée incomplète aux yeux des avocats du recours collectif. Me Lespérance a relevé le fait qu'elle présente seulement les faits relatifs aux actions gouvernementales et rien en rapport avec les actions des cigarettiers.


À venir dans le procès

Deux témoins attendus au cours du mois de décembre ne comparaîtront pas en fin de compte. Il s'agit de M. Pandeya et M. Rickert, tous deux ayant travaillé au gouvernement fédéral ou pour lui.

La semaine prochaine, deux anciens employés du gouvernement fédéral comparaîtront, Brian Zilkey et Albert Liston. La semaine suivante - la dernière avant les vacances de Noël - James Hogg témoignera à partir de Vancouver, les 16 et 17 décembre. Le procès fera relâche le 18 décembre et le dernier témoin de l'année sera Robert Robitaille.