jeudi 4 octobre 2012

66e jour - 3 octobre - Absence d'unanimité de l'industrie sur l'effet de la taxation du tabac

Peter Hoult est un spécialiste du marketing ainsi qu'un ancien président et chef de la direction de RJR-Macdonald (aujourd'hui Japan Tobacco International - Macdonald). Avant de devenir homme d'affaires, il a étudié en psychologie et en économique. Quand on l'écoute dans une cour de justice, il donne l'impression d'être un homme intelligent et savant.

Lors de sa troisième journée de témoignage au procès en responsabilité civile des grands cigarettiers canadiens, M. Hoult, interrogé par Me Philippe Trudel, a admis facilement qu'une hausse de la taxation des cigarettes a une influence négative sur le volume des ventes de ce produit à l'échelle d'un pays.

Cela vous paraît évident ?

Cela l'est pour Japan Tobacco Inc de Tokyo, une entreprise fort prospère qui possède 100 % de JTI-Macdonald, et dont le rapport annuel du printemps 2012, au dernier paragraphe de la page 51, dit ceci : sur les marchés mûrs (par opposition aux marchés émergents), le volume des ventes de l'industrie décline principalement à cause des changements démographiques, des hausses de taxes, des interdictions de fumer et de la réglementation de plus en plus contraignante sur la promotion et la publicité. (Ce rapport annuel est la pièce 577 au dossier.) (Le Canada est un marché mûr, l'Asie du sud est un marché émergent.)

Ce qui peut-être vous paraît évident ne l'était cependant pas pour l'actuel patron de JTI-Macdonald, Michel Poirier, lors de son témoignage en septembre, ni pour un spécialiste en marketing et ancien cadre d'Imperial Tobacco, Ed Ricard, lors de son témoignage en août. Les deux hommes ont dit qu'au Canada, la taxation n'avait pas d'influence sur le volume, en l'absence d'un substitut.

Il appert que sur ce sujet, l'unanimité ne règne pas ou ne règne plus chez les hommes du tabac.


Le mystérieux projet Four Seasons

En mars dernier, lors de l'interrogatoire du relationniste Michel Descôteaux, les procureurs des recours collectifs avaient fait verser en preuve une lettre du 12 janvier 1989 que P. J. Fennell , alors le président et chef de la direction de Rothmans, Benson & Hedges, adressait à ses homologues d'Imperial Tobacco et de RJR-Macdonald, ainsi qu'au président du CTMC. (pièce 60A).

Dans cette lettre, M. Fennell parlait d'un projet Four Seasons, sans élaborer, mais en distinguant bien ce projet d'une préparation de la contestation judiciaire de la Loi réglementant les produits du tabac, alors surnommée « Bill C-51 », bien qu'elle venait d'entrer en vigueur le 1er janvier 1989.


Il y a aussi été question du projet Four Seasons à la mi-mai, à l'occasion de la brève comparution de l'historien David H. Flaherty qui, selon un document accessible sur le site de l'American Legacy Foundation mais pas encore versé dans le dossier de la preuve en demande (malgré une décision favorable de Brian Riordan), travaillait à l'été 1988 à mesurer l'état des connaissances des Canadiens en matière de santé et de tabagisme, au fil du 20e siècle.

Lors de l'interrogatoire en juin de l'avocat Lyndon Barnes, celui-ci a reconnu que le projet Four Seasons avait rapport avec du contentieux et a situé les débuts du projet à 1985 ou 1986. Par ailleurs, si ce projet était discuté au sommet par les trois compagnies de tabac en même temps qu'Imperial Tobacco adoptait une politique de « retention » de documents qui allait entraîner la destruction d'au moins une soixantaine de rapports de recherche scientifique portant sur les méfaits du tabac, c'était une coïncidence.

Il n'est pas dit que le juge Brian Riordan a été dupe de cette soi-disant coincidence, mais son tribunal ne sait pas encore tout à fait ce qu'était le Four Seasons project, même si les procureurs des recours collectifs s'efforcent d'entretenir la curiosité.

Lors de l'interrogatoire d'hier, à la question de savoir si ce projet concernait les effets sanitaires du tabagisme (was related to Smoking and Health), le témoin Peter Hoult a spontanément répondu oui.

Puis, avant que le procureur Philippe Trudel ait le temps d'achever de formuler la question suivante, M. Hoult a ajouté qu'il croyait que c'était relié à du contentieux (related to litigation).

Les deux affirmations ne sont pas contradictoires, si on envisage que le litige pouvait concerner les méfaits du tabagisme, autrement dit un litige comme celui dont vous suivez présentement les péripéties sur ce blogue.

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Aujourd'hui (jeudi), les procureurs des recours collectifs espèrent terminer l'interrogatoire de Peter Hoult.

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Pour accéder aux jugements, aux pièces au dossier de la preuve ou à d'autres documents relatifs au procès en recours collectif contre les trois grands cigarettiers, il faut commencer par
1) aller sur le site de la partie demanderesse
https://tobacco.asp.visard.ca/main.htm
2) puis cliquer sur la barre bleue Accès direct à l'information,
3) et revenir dans le blogue et cliquer sur les hyperliens à volonté.

Il y a aussi un moteur de recherche qui permet d'entrer un mot-clef ou un nombre-clef et d'aboutir à un document ou à une sélection de documents.